Trois questions à Zachée Denis BITJAA KODY, Directeur de la Recherche du CICIBA
MUNTU : Monsieur le Directeur, vous avez pris une part active à la célébration des Journées africaines pour le Développement émergent (JADE) et au Colloque marquant le Quarantenaire du CERDOTOLA, au Cameroun, que retenir de ces assises ?
DR : Les JADE se sont tenues du 02 au 07 octobre à Bafoussam, Bangangté et Batoufam dans la Région de l’Ouest du Cameroun, sur une initiative de l’Association Espéranza-CADE, animée par la Princesse Espérance FEZEU. Elles avaient pour principal objectif la mise en place du réseau « Villages Unis d’Afrique ». Elles ont réussi à rassembler en un seul lieu, une trentaine de têtes couronnées d’Afrique provenant du Bénin, du Congo, du Gabon, de Centrafrique et du Cameroun à l’effet d’élaborer des stratégies pour une redynamisation de l’autorité traditionnelle en Afrique. Le lieu de la rencontre, l’Ouest Cameroun, est en lui-même riche en symboles, car il reste l’un des derniers bastions de la royauté au Cameroun. Le pouvoir ancestral y est vivace, contrairement à certaines régions du pays où il a été fortement ébranlé.
Les JADE ont été l’occasion pour nous, membres de la délégation du CICIBA, de faire des rencontres au plus haut niveau avec la royauté africaine en général et bantu en particulier et de réitérer devant Monsieur le Ministre camerounais des Arts et de la Culture et devant les têtes couronnées, l’engagement pris par Monsieur le Directeur Général du CICIBA, d’accompagner l’autorité traditionnelle bantu dans sa quête de la consolidation du pouvoir traditionnel et des coutumes ancestrales, par les voies et moyens que les rois et chefs traditionnels auront définis. En marge de ces assises, les JADE ont abrité à l’Université des Montagnes à Bangangté, un colloque sur le thème « Émergence de l’Afrique et défis du changement climatique », ce colloque a été l’occasion de la rencontre entre le monde estudiantin et la royauté africaine pour une réflexion sur le réchauffement climatique. La rencontre organisée sous les auspices de la Fondation allemande Konrad Adenauer Stiftung, a permis entre autres sujets importants, de comprendre le rôle essentiel des forêts sacrées entretenues contre vents et marées dans les chefferies de l’Ouest Cameroun, sources d’oxygène pour ces régions à la végétation forestière dégradée.
La célébration du quarantenaire du CERDOTOLA, tenue du 9 au 15 octobre 2017 au Palais des Congrès de Yaoundé fut également l’occasion de la tenue d’un important colloque sur le thème : « Les Institutions culturelles et scientifiques africaines dans les enjeux de l’émergence et de la renaissance ». Cette rencontre a réuni de grandes sommités scientifiques et coutumières africaines, pour une réflexion autour de la renaissance africaine. Nous en avons fait un compte rendu sur le site Internet du CICIBA.
Muntu : Pensez-vous que la chefferie traditionnelle, avec laquelle le CICIBA entretient d’excellentes relations, peut jouer un rôle important dans la société de demain ?
DR : La royauté et la chefferie traditionnelle existent chez les Bantu bien avant la colonisation. Depuis, elle est l’objet des coups de boutoirs des religions occidentales et de l’administration qui s’activent à la faire disparaitre, au motif que la chefferie traditionnelle serait le bastion imprenable des mœurs purement africaines (initiation, veuvage, lévirat, polygamie, etc.) que les Occidentaux veulent effacer en Afrique. Le CICIBA, Centre International des Civilisations Bantu, a tout intérêt à se rapprocher de la chefferie traditionnelle, non seulement pour recueillir auprès de ces gardiens de nos traditions les modes de vie qui ont permis aux Africains de vivre en harmonie avec leur environnement pendant des millénaires, mais aussi pour les associer à la décolonisation des esprits et à l’expansion de la culture bantu. Vous conviendrez avec moi que nous ne pouvons bâtir un avenir culturel africain solide sur les sables mouvants de la culture occidentale qu’aucun d’entre nous ne maîtrise. Nous devons plutôt nous inspirer de notre passé, de nos us et coutumes pour construire un avenir culturel durable.
Muntu : Qu’en est-il de la recherche au sein du CICIBA ? Est-elle en léthargie ou y a-t-il des avancées ?
DR : Monsieur le Directeur Général du CICIBA a reçu un mandat de restructuration de cette institution le 15 septembre 2015. La restructuration touche tous les domaines de la vie de l’institution, y compris la recherche scientifique et l’animation culturelle dont j’ai la charge.
La recherche était en hibernation au CICIBA pendant les 23 dernières années où l’institution n’avait plus eu un directeur de la recherche. Depuis ma prise de fonctions il y a sept mois, la restructuration du secteur est en marche. Nous avons dressé un état des lieux de la DR, élaboré un nouvel organigramme sur la base des Textes des assises de Bangui de 1995 et inventorié des axes de recherche porteurs qui permettront une relance de la recherche en cette année 2018, grâce à l’apport des chercheurs associés et des commissions nationales en cours de structuration dans les États membres. En outre, l’édition régulière, actuelle et programmée, des ouvrages scientifiques et culturels bantu au siège et dans les démembrements de l’institution témoigne bien de la vivacité de la recherche au CICIBA.