Harmonisation des langues transfrontalières de l’Est : Kampala s’implique

Kiswahili, kinyarwanda/kirundi, luganda, malagasi et somali standardisées par l’ACALAN-UA

La capitale ougandaise a abrité, du 15 au 17 novembre 2018, une rencontre sur l’harmonisation des systèmes d’écriture des langues transfrontalières véhiculaires de la région orientale de l’Afrique. Le Centre International des Civilisations bantu y a pris part.

A cette occasion, et eu regard des missions dévolues à cette institution spécialisée de l’Union africaine, l’ACALAN-UA a convié plusieurs chercheurs linguistes et représentations d’institutions partenaires à un atelier d’harmonisation autour des langues Kiswahili, kinyarwanda/kirundi, luganda, malagasi et somali.

Comme partout où cet exercice a eu lieu, ici aussi, il était question d’établir une synthèse des éléments susceptibles de contribuer à rendre plus cohérente la pratique écrite des langues affines en les soumettant aux mêmes règles de référence.

Les objectifs de ce processus d’harmonisation, du reste les mêmes que ceux visés par les précédentes consultations ailleurs dans les autre zones linguistiques (de l’ouest, du sud et du centre) où la même pratique a été éprouvée, étaient ici aussi de :

– harmoniser les différences dans les pratiques orthographiques ;

– créer un alphabet et des systèmes d’écriture communs pour les langues ;

– développer une forme d’écriture standardisée pour chacune des langues ;

– développer des règles harmonisées de grammaire ;

– rendre disponible et diffuser les règles harmonisées complétées.

Au nombre des participants qui ont œuvré à revoir et à compléter les règles existantes, le Directeur Général du Centre International des Civilisations Bantu (CICIBA), le Pr Antoine Manda Tchebwa, s’est dit « honoré de participer à cette occasion unique qui est offerte pour assister à la concrétisation d’un vieux rêve : celui de relier les deux aires culturelles de l’espace bantu, dans une des régions que nos historiens bantu pensent être un des foyers d’essaimage des langues bantu, au bord du Lac Victoria ».

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A cet égard, il note en plus que « cette rencontre permet au CICIBA de rencontrer deux de ses préoccupations majeures : susciter de nouvelles adhésions des pays fondateurs comme l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, le Kenya, pays fondateurs du Centre, et solliciter de la part des chercheurs linguistes en swahili de se joindre au CICIBA en vue d’étudier la possibilité d’intégrer des recherches sur le swahili dans le canevas épistémologiques ».

Tout en remerciant l’ACALAN-UA d’avoir son institution à ce long processus de standardisation des langues transfrontalières, le Directeur Général du CICIBA a indiqué que « depuis Addis-Abeba, Brazzaville, Abidjan, jusqu’ici à Kampala, et demain sûrement dans un autre pays africain, nous sommes ensemble en train de mettre en pratique notre accord de coopération tel que signé dans la capitale éthiopienne voilà bientôt plus d’un an. C’est le lieu de réaffirmer notre détermination à accompagner l’ACALAN-UA et les chercheurs associés avec le même élan que nous souhaitons pérenne. »

Il a félicité l’ACALAN, son dynamique Secrétaire Exécutif Dr Lang Fafa Dampha, et les participants pour le succès de cette rencontre en leur disant « combien le CICIBA s’est réjoui d’être à leurs côtés en ce moment précis où l’Afrique écrit une nouvelle page de sa marche vers son autodétermination ».

En conjoignant leurs efforts autour de cet exercice, les experts des langues orientales africaines affirment ici un choix de civilisation qui portent les promesses d’un développement auto-généré. Pas sûr qu’après ce travail de standardisation des règles qu’on en reste au même de disparité. Tant la volonté de relever le défi est présent en chaque partie en présence.

Ce que ne manque pas de souligner le Directeur Général du CICIBA, dan son adresse solennelle de fin de session : « Ensemble, nous sommes en train de construire un nouvel ordre linguistique sur notre continent. Nous sommes au point de départ d’une nouvelle dynamique fondatrice d’un standard susceptible de contribuer à l’intégration africaine par ce qui fonde son liant et lieu magnétique interne : la langue. Riche de tant de langues transfrontalières, l’Afrique est nantie de trois majeurs : primat de l’humanité, primat de la diversité linguistique, primat de la multiculturalité. C’est en cela qu’elle confirme son statut de ‘’Berceau de toutes les humanités ».

C’est à plusieurs mains que cette geste reconstructrices et reconfiguratrice des langues bantu de l’Est s’est bâtie à Kampala, en Uganda. Avec notamment, outre l’expertise du CICIBA, les apports scientifiques des structures nationales de l’ACALAN des pays dont les langues étaient concernées, des représentants de l’Assemblée des académiciens de l’ACALAN de la région, du SIL Uganda (Nairobi), de quelques membres de la société civile, ainsi que de l’accompagnement et du soutien politique des représentants du Ministère du genre, Travail et du développement social ougandais…

A cette étape, il sied de souligner le travail exceptionnel et pionnier, abattu par la Commission du Kiswahili.

Pour mémoire, retenons que, né à Kilwa en 1771, à partir du kingudja (un dialecte de Zanzibar), cette langue fut standardisée dès 1935. Bénéficiant de longue date de l’expertise de l’Institut National du Swahili (dont le siège est situé en Tanzanie), grâce en plus de la vitalité de du Conseil National du Swahili (organe pionnier de standardisation des règles), le swahili jouit aujourd’hui d’une plus grande légitimité comme langue nationale de communication, d’enseignement et de travail en Tanzanie et dans bien d’autres pays de la région (Kenya, Uganda, Rwanda, etc.). Fort de cette primogéniture, elle a été adoptée par l’Union Africaine, après l’arabe, comme langue africaine de travail au sein de cette organisation continentale. Reste à formaliser son statut par un acte juridique opérationnel.

A noter un autre symbole qu’inspire la tenue de cet atelier dans cette région d’Afrique. C’est que riche de tant langues transfrontalières, l’Afrique réaffirme ici trois primats : (a) le primat de l’humanité ; (b) le primat de la diversité linguistique ; (c) le primat d’une multiculturalité féconde. D’où son statut de « berceau de toutes les humanités ». Ce compris, le berceau du Swahili.

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