Interview Pr Elikia M’Bokolo par Frédéric Serge LONG du quotidien L’union

…Pr Elikia M’Bokolo : « Réparer, c’est dédommager pour le crime de l’esclavage et du travail de nos ancêtres »

Écrivain et historien, le célèbre chroniqueur de Radio France Internationale est intervenu au cours de plusieurs panels durant cette rencontre que notre pays a abritée du mercredi 17 au Vendredi 19 mai dernier. Personnalité de premier plan dans son pays, la RDC, ce spécialiste de l’histoire politique, sociale et intellectuelle de l’Afrique donne son sentiment sur la notion de réparation tant réclamée par les Afro-descendants.

L’union. Tout au long de vos interventions, vous êtes longuement revenu sur la notion de réparation des dommages dus à la traite négrière. La réparation pour l’esclavage et celle de la colonisation sont-elles similaires ?

Pr ELIKIA M’BOKOLO :

« Oui Tout à fait. Il y a des réparations à faire aussi bien dans le cas de la traite négrière que dans le cas de la colonisation. Nous avons l’exemple d’un procès que nous n’avons pas pu organiser. La mise en place du CFO (Chemin de fer du Congo Océan) qui a coûté la vie à de nombreuses personnes. L’une des compagnies ayant géré ce dossier sur le plan des ressources et du financement est la société de dépôt et de consignation de France. Nous avons engagé un procès en crime contre l’humanité. Il a été débouté par le président François Hollande en disant qu’on ne revient pas sur le passé. Mais, d’un autre côté, la Société nationale du chemin de fer (SNCF) a accepté de payer des réparations aux juifs américains dont les parents avaient été déportés dans les années 40 dans l’Allemagne Nazi. L’incident du CFCO s’est déroulé 5ans avant l’Allemagne Nazi. L’incident du CFCO s’est déroulé 5ans avant l’Allemagne Nazi. Donc on a l’impression qu’il y a comme un deux poids, deux mesures. La médiation pour cela, doit pouvoir se faire par le billet d’institutions telles que le Centre International de Civilisations Bantu (CICIBA) qui, elles, amorcent les choses et suggèrent aux politiques la possibilité qui existe d’obtenir 10 milliards de dollars si une telle action est engagée ».

Pourquoi parle-t-on à  chaque fois de réparation pécuniaire, et n’envisage-t-on que très rarement celle morale ? Quelle serait donc la meilleure des réparations à votre avis ?

Si vous prenez la guerre depuis les guerres de l’empire et des révolutions, toutes les réparations ont toujours été faites en espèces sonnantes et trébuchantes. Si nos œuvres d’art ont été prises, il faut les récupérer, avec une amende pour les avoir conservées pendant longtemps. La France a dû payer de l’argent pour la période après l’empire et les révolutions. Après la première guerre mondiale par exemple, l’Allemagne a payé. Après la deuxième, l’Allemagne encore l’a fait ainsi que le Japon. Donc les réparations c’est la puissance de l’Etat. La réparation morale, elle relève d’une affaire purement intellectuelle sur laquelle les institutions internationales finissent par se mettre d’accord. L’argent, c’est le signe de la puissance de l’Etat.

Comment entrevoyez-vous les relations entre l’Afrique et sa diaspora, s’agissant des questions de développement ?

Là où elle se trouve, la diaspora est très souvent marginalisée. Regardez ce qui se passe au Brésil, où on accuse Da Silva et son successeur de complicité. De quoi s’agit-il ? Dans le budget de l’Etat Brésilien, Lula Da Silva a décidé que l’Histoire de l’Afrique serait obligatoirement enseignée au Brésil, parce que le Brésil a la deuxième population africaine du monde. Pour cela, le gouvernement a donné de l’argent à l’Unesco pour la traduction des livres en portugais. Dans l’intention notamment d’armer les Afro-brésiliens à jouer leur rôle. L’objectif était de faire de la discrimination positive, en développant les universités qui n’étaient pas prévues dans le budget. Est-ce qu’un gouvernement n’a pas le droit, lorsque les discriminations sont très flagrantes, de changer le budget et de mettre un peu plus d’argent sur ces questions sociales ? C’est ce qu’ils ont fait et vous avez vu le retour du bâton : pas de femmes et de noirs au gouvernement. Pour la réparation, c’est un enjeu politique que nous demandons. Un dossier de réparation, avec des avocats, des juristes, des économistes peut coûter quelques millions d’euros. Ce n’est pas exorbitant. C’est une manière pour nous de demander des dédommagements par le moyen le plus clair, c’est-à-dire récupérer l’argent qui nous est dû à la fois pour le crime de l’esclavage

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