Le Gabon musical en deuil

MACKJOSS  »LE BAOBAB » DE LA SAVANE BANTU S’EN EST ALLE

  De son vrai nom Jean Christian Mboumba Makaya, le célèbre et charismatique chanteur à la voix de charme a tiré sa révérence, dans la nuit du 17 au 18 avril 2018, à l’âge de 72 ans. L’apprenant, le Gabon, tout à son affliction, a pris un coup. Un génie s’en va au moment où son public cinquantenaire s’y attendait le moins.

Alors que les larmes non séchées coulent encore sur les visages éplorés des mélomanes gabonais à la suite de la récente disparition de son congénère Kacky Disco, voici que, à nouveau, l’ange de la mort vient frapper à la porte de la famille musicale gabonaise. Serait-ce une loi de série ? On a de la peine à y croire. Et pourtant l’impensable s’est produit avec le décès inattendu de Mackjoss qui a ébranlé toutes les couches sociales gabonaises.

L’ayant appris, le ministre d’État en charge de la Culture, Alain-Claude Billie-By-Nzé, s’est dit « profondément affligé, au moment où disparaît Mackjoss, le ‘’Baobab’’ de la musique gabonaise, avec qui nous étions sur un projet d’hommage à lui rendre de son vivant. Nous devrons l’accompagner dans le recueillement et la dignité. Chacun de nous se souvient de lui, car ses œuvres nous ont presque tous bercés ».

Pour sa part, le CICIBA a fait part de sa grande consternation à travers son Directeur Général, le Pr Antoine Manda Tchebwa, qui s’est dit  »profondément bouleversé » par cette perte immense d’une des figures bantus les plus charismatiques qui ont marqué la scène musicale africaine tant par sa longévité sur scène que par la qualité de son art. Un génie s’en est allé certes, mais ses œuvres continueront à illuminer nos cœurs jusqu’à des horizons insoupçonnés.

Pour sûr, plus personne ne croisera cette silhouette longiligne à laquelle on s’était habitués, parce qu’il a bercé par sa musique de nombreux mélomanes de la génération des années 60-70. Pas seulement eux, car, ceux, plus jeunes, ont également pu apprécier les morceaux de Mackjoss qui ne manquent nullement au cours des soirées de réjouissances.

A l’heure où il tourne le dos à la vie pour un voyage sans retour dans l’au-delà, une multitude de personnes, à travers leurs différents témoignages, ne tarissent pas d’éloges à l’endroit de l’auteur de la chanson  »Boucher ». Une chanson composée en 1966, qui lui a d’ailleurs valu un équipement de musique offert par Franco Luambo Makiadi, un de ses admirateurs du Congo, artiste comme lui.

Désormais devenue un vrai tube, cette chanson connaît toujours le même succès, plus de 50 ans après sa sortie.

Pas une prestation de cette icône de la chanson gabonaise ne se fait sans qu’on ne la réclame à cor et à cri, y compris par la jeune génération qui, visiblement, y trouve aussi son compte.

D’autres titres, à l’image de  »Tsakidi »,  »Munadji 76 » ou  »La vie » ont contribué à asseoir sa notoriété. Mackjoss aura marqué le monde artistique et musical depuis la période des indépendances africaines aussi bien lorsqu’il était accompagné de son orchestre  »Le Negro Tropical » qu’en  solo.

Ses talents ont commencé à éclore, alors qu’il avait seulement 17 ans, lorsqu’il proposa  »Tate na mame ». Et en 1967, il était à mille lieues de savoir que sa chanson  »Les Grands guides » allait toucher la corde sensible du premier président de la République, Léon Mba, qui lui a adressé personnellement des félicitations écrites. Il ne le rencontrera jamais, puisque décédé à Paris avant son retour au Gabon.

 

Très attaché à sa tradition dans laquelle il a puisé des sonorités ayant émaillé son parcours, Mackjoss a tâté de la rumba avec une préférence pour le soukous (un rythme saccadé qui a dominé la musique congolaise d’autrefois). Histoire de faire danser un plus grand nombre, bien au-delà de son pays.

Alternant ses activités musicales avec sa vie professionnelle au sein des Forces armées gabonaises, il est de ceux qui ont contribué à l’éclosion de plusieurs talents, même ceux venus d’ailleurs.

Après avoir développé de bons rapports notamment avec les ténors de la musique congolaise (Franco Luambo Makiadi, Tabu Ley Rochereau et Verckys Kiamuangana Mateta), il s’est déplacé personnellement pour inciter quelques musiciens du Zaïre de l’époque à intégrer la musique gabonaise. Tel est le cas des guitaristes Sita Mbele, Sec Bidens, Lélé Nsundi et le chanteur Yenga-Yenga Junior qui ont fait le déplacement de Libreville pour renforcer les rangs de l’orchestre des Forces armées gabonaises devenu par la suite Massako. Cet ensemble a connu ses moments de gloire dans les années 80 et 90.

Et il a fini par créer des épigones au sein même de sa propre famille où deux de ses enfants (une fille et un garçon), par mimétisme, lui ont emboîté le pas dans l’exercice de cette discipline d’Orphée.

Tout récemment, Mackjoss a perçu ses premiers droits d’auteur (du reste les derniers) des mains du ministre d’État en charge de la Culture, Alain-Claude Billie-By-Nzé.   

Alors même que, se rendant à son chevet où il était interné, l’artiste a suscité en lui l’espoir pour qu’enfin l’initiative qu’il avait prise pour l’honorer de son vivant se matérialise. Mais hélas, le sort en a décidé autrement…

Salut l’artiste !

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