A l’initiative du ministre d’Etat Alain Claude Bilie-By-Nze

LE GABON SE SOUVIENT DE PIERRE CLAVER ZENG, L’ORFEVRE DE LA PAROLE

 

Voilà 8 ans que nous quittait l’esthéticien de la parole traditionnelle, Pierre Claver Zeng ! De ce grand homme de culture, le Gabon, son pays, garde encore fraîche l’image d’un génie qui, transcendant les rides du temps, a su concilier l’esthétique de la parole vécues et une exigence rhétorique. Dans une remontée anamnestique, le ministère de la Culture a voulu, à travers cette initiative, actualisé un homme qui n’a jamais quitté la mémoire et l’intimité des siens. Car son expérience esthétique est tout simplement immortelle. Récit d’une journée mémorable…

Samedi 17 mars sous le chapiteau du stade d’Angondjé, des centaines de personnes ont vibré au rythme des plus célèbres titres de l’artiste Pierre Claver Zeng Ebome, disparu en mai 2010. Des dizaines de chanteurs et de musiciens ont interprété, en solo, en duo et en groupe, ses chansons pour le bonheur des personnes ayant été conviées sous le chapiteau du stade d’Angondjé.

Parmi les spectateurs, en plus des parents du défunt chanteur, on comptait des membres du gouvernement, à l’instar de Jonathan Ndoutoume Ngome, qui n’a pas tari d’éloges à l’endroit d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, ministre d’Etat en charge de la Communication, de la Culture et de l’Economie numérique.

Ravi par l’initiative de son collègue et satisfait du spectacle auquel il a assisté, le ministre délégué à la Protection sociale a souhaité «rendre un hommage mérité au ministre d’Etat Alain-Claude Bilie-By-Nze, qui prouve à la face du monde et à la face du peuple gabonais que c’est un grand ministre de la Culture». Jonathan Ndoutoume Ngome qui s’exprimait au micro de Radio Gabon au terme de l’émission-spectacle s’est souvenu que le ministre d’Etat en charge de la Culture «nous a fait vivre des moments formidables lors de la dernière fête de l’indépendance».

Pour l’hommage à Pierre Claver Zeng, il a estimé que son collègue s’est surpassé, d’autant que, selon lui, «le peuple gabonais commence à être content» des programmes du Groupe Gabon Télévisions, entrant dans le cadre des réformes impulsées par la tutelle. Après cet hommage, le ministre d’Etat en charge de la Culture a annoncé que le prochain artiste à célébrer sera Mackjoss.

Le parcours de l’artiste

Pierre Claver Zeng Ebome est né le 19 septembre 1953 à Ekouasse situé au sein du grand regroupement de villages Nkol’Abona dans le canton Ellelem dans le département du Woleu-Ntem au nord du Gabon. Fils de Ebome Mbwa Mekina Moïse mort en 1976, Pierre Claver est issu d’une nombreuse famille ancrée dans la pure tradition fang. Le père est un artiste modeste qui touchait à de nombreux instruments de musique. Il semble qu’il soit à l’origine de l’intérêt que Pierre Claver a eu toute sa vie pour la musique mais aussi pour la langue fang qui est d’une richesse incommensurable. La mère, elle, danse le megane. Cette richesse, il va l’exploiter dès qu’il va se découvrir un véritable talent artistique. Pierre Claver fait ses études primaires à Nkol’Abona, puis au collège moderne d’Oyem où il obtient son BEPC. Il s’envole pour Libreville et étudie au Lycée technique d’Owendo (CAPO) où il décroche son Baccalauréat en 1975. Il entre ensuite à l’Université Omar Bongo pour y étudier le droit. Malgré quelques obstacles rencontrés à cause de son engagement de plus en plus avéré dans la musique en faveur de la démocratie, il y est sorti diplômé. Il étudie ensuite à l’École du Trésor de Paris (Marne-la-vallée) pour en sortir inspecteur du Trésor public. Cela le conduit à une carrière au sein du Trésor public gabonais. Pierre Claver est resté marié toute sa vie à une seule femme pour laquelle il d’ailleurs chanté. Il a épousé au début des années 1980 Marie-Constance Zeng. Il a laissé une nombreuse progéniture. Il est mort brutalement le 19 mai 2010 à Paris.

 Héritier de la longue tradition de poètes-chanteurs du Mvett

La production musicale de Pierre Claver Zeng tient de ce qu’il a reçu et appris de la tradition fang. Certes, comme de nombreux jeunes gens de sa génération, il n’est pas resté au village très longtemps et donc n’a pas particulièrement vécu au contact de certaines pratiques, mais sa capacité à donner un sens et une valeur aux instruments de musique et au rythme fang étonnent.

À ceux qui pensent qu’il a peut-être acquis la connaissance de la langue fang sous forme d’initiation, il répond que « cela n’a aucun fondement ». Mais il s’intéresse à cette langue qui offre tellement de possibilités en termes de rhétorique. Pierre Claver commence réellement sa carrière au Lycée technique Omar Bongo d’Owendo. Ce qu’il développe dès lors dans sa musique va bien au-delà de toute volonté de moderniser les rythmes fang. Il s’inspire des sonorités, des mœurs, des traditions, de l’histoire ou de la cosmogonie et s’affiche aussitôt comme un héritier de la longue tradition de poètes-chanteurs incarnés toujours par les conteurs de Mvett. L’on a souvent perçu Pierre Claver Zeng comme l’héritier de trois principaux conteurs de Mvett : Mvom’Eko connu pour sa capacité à donner à l’instrument le son qu’il voulait, Edou Adè pour son intérêt pour la chant et Zué Nguema pour sa connaissance cosmogonique et qui est aujourd’hui considéré comme le seul grand maître de Mvett au Gabon. Il y a dans son expression musicale, la volonté d’approfondir un héritage linguistique vieux de plusieurs millénaires, la volonté de communiquer et la volonté de rendre compte de la culture acquise. Dans sa musique, il y a rarement fang qui ne s’y reconnaît pas. Les anciens ont vu en lui le symbole d’une culture qui tente d’échapper à la mort ; les jeunes ont gardé de lui l’image de l’homme fang. Les chansons de cet artiste sont « tantôt construits comme une épopée guerrière, tantôt comme une fable mettant en scène des personnages menacés par des créatures étranges ». On y retrouve l’art incantatoire et invocatoire des rites secrets fang. Les proverbes, les mots d’esprit ou les mythes sont énoncés tour à tour avec quelquefois un humour décapant côtoie une colère traduisant finalement le caractère engagé de cette musique. Il a abordé quasiment tous les thèmes : la reconstruction de la mémoire fang, la rencontre des peuples, la mort, la richesse de la tradition, l’immigration, le tribalisme ou encore l’amour. Il a toujours invité l’homme à la fierté de ce qu’il est et donc à renoncer à ce qui semble lui être imposé. Il écrit notamment dans ‘’Ma mien’’ (moi-même) : « Je ne suis pas de ceux qui se laissent faire car mon père me l’a répété : je suis un homme… »

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